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Droits à la PCH et maintien volontaire dans l’ignorance

Une femme en fauteuil roulant est assise devant une grande pile de documents sur une table, dans un long couloir administratif. Elle semble préoccupée. Le texte indique : « Être employeur : le prix de l’autonomie ».

En France, la prestation de compensation du handicap (PCH) a été créée par la loi du 11 février 2005 pour couvrir tous les besoins liés au handicap (aide humaine, aide technique, aménagements, surcoûts). En principe, les Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) sont chargées d’informer, évaluer, et accompagner les bénéficiaires dans leurs démarches. Ce sont même « des missions larges d’accueil, d’information, d’évaluation globale des besoins, de suivi et d’accompagnement ». Dans la réalité, cependant, de nombreuses personnes handicapées constatent un déficit d’information flagrant : elles ignorent souvent que la PCH peut financer l’emploi direct de leur aidantE ou le recours à un service mandataire, pensant à tort qu’il existe une seule solution offerte. Cette opacité profite au système : en connaissant mal leurs droits, les personnes handicapées peinent à exercer un choix éclairé et l’État réalise ainsi quelques économies sur l’accompagnement. L’étude IGAS note d’ailleurs que la charge de travail des MDPH a explosé (+36% de demandes PCH entre 2015 et 2022), mais on relève peu de progrès réels pour mieux informer les usagers. Les difficultés de traitement des dossiers et l’essor des droits n’ont pas changé le fonctionnement : les MDPH continuent de distribuer souvent de manière standardisée des « réponses » plutôt que d’outiller les ayant droit pour agir.


Trois modes d’intervention pour l’aide humaine

La PCH peut financer l’aide humaine (intervention d’une tierce personne). Trois modes principaux de mise en œuvre sont possibles :

Emploi direct – La personne handicapée devient employeur de son auxiliaire de vie. Elle recrute et gère elle-même le planning, le salaire, les déclarations et les charges sociales. La PCH verse alors directement les fonds au particulier employeur au taux de base (19,34 €/h en 2025). Ce mode exige de la personne handicapée une forte implication administrative et financière, mais offre le maximum de contrôle. Il incarne aussi un véritable choix de vie autonome. Cependant, l’État ne prend pas en charge les nombreux frais liés au statut d’employeur, ce qui constitue un désengagement manifeste :

  • les indemnités de fin de contrat (indemnités de licenciement, de rupture conventionnelle) sont à la charge du particulier employeur, non couvertes par la PCH ;

  • les obligations de cotisation à la médecine du travail, sont ignorées dans les montants PCH ;

  • aucun accompagnement juridique n’est proposé, alors que le statut d’employeur implique une responsabilité importante (litiges, prud’hommes, contrats).



Gros plan sur un bureau encombré de dossiers dans un bureau administratif. Par-dessus, on peut lire en grandes lettres : « Vous n’avez qu’à choisir un autre mode. (réponse MDPH) ».

En réalité, les personnes qui choisissent l’emploi direct sont pénalisées. Elles sont laissées seules face aux complexités administratives et aux coûts réels, comme si elles étaient punies d’avoir voulu trop d’autonomie. Certaines MDPH vont jusqu’à le faire entendre clairement : ainsi, je me suis entendue dire par une agente MDPH, mot pour mot : « Vous n’avez qu’à changer de mode si ça ne vous convient pas. » Autrement dit : si vous choisissez un mode trop exigeant pour nous, vous serez seulEs à en subir les conséquences. Ce genre de discours dissuasif illustre une volonté implicite de restreindre l’accès à ce mode d’emploi, pourtant celui qui incarne le plus l’autodétermination.


  • Service mandataire – Un prestataire mandaté gère les formalités (recrutement, déclarations, paie) pour le compte de l’usager, qui reste employeur légal. L’usager conserve la liberté de choisir ses intervenants, mais délègue la gestion au service. Le coût pris en charge est un peu plus élevé (21,27 €/h), reflétant la rémunération du mandataire.


  • Service prestataire – Un organisme spécialisé embauche l’aidantE et facture la prestation globale. La personne handicapée n’est pas employeur : elle paie une facture à l’organisme et ne gère ni la paie ni le recrutement. Ce mode est simple administrativement, mais le plus coûteux (24,58 €/h financés par la PCH). Il limite la flexibilité de la personne handicapée.


Les bonnes pratiques soulignent qu’il faut informer clairement le bénéficiaire de toutes ces options et « respecter le libre choix du bénéficiaire » quant au mode d’intervention. Imposer arbitrairement un service prestataire est même qualifié de « mauvaise pratique » par les textes officiels. Or, dans la plupart des cas, les MDPH préfèrent diriger par défaut vers des prestataires spécialisés, sans expliquer l’existence des autres solutions. Ce phénomène s’explique en partie par un lobby de certains organismes, mais aussi par la simplicité apparente du prestataire (pas de paperasse). Cette information tronquée maintient les personnes handicapées dans l’ignorance de ses possibilités réelles.


Les inconvénients du prestataire

Lorsqu’on détaille l’utilisation d’un service prestataire, plusieurs reproches majeurs émergent :

  • Coût plus élevé : la PCH verse 5 €/h de plus en prestataire qu’en direct ou mandataire. En d’autres termes, la différence reste dans les caisses de l’organisme sans améliorer la qualité de l’aide. Des particuliers-employeurs dénoncent ainsi un « écart scandaleux ».


  • Moindre flexibilité et contrôle : la personne handicapée dépend exclusivement des salariéEs fourniEs par l’organisme. Elle ne peut choisir ni licencier facilement, ni former les intervenantEs. Ce manque de choix peut conduire à des désaccords d’affinité ou de méthode.


  • Turnover et compétences aléatoires : les prestataires souffrent souvent d’un roulement élevé du personnel, ce qui nuit à la continuité de l’aide. De nombreux témoignages confirment des niveaux de qualification médiocres chez certainEs aides à domicile.


Illustration montrant une balance déséquilibrée. D’un côté, une personne en t-shirt avec la mention « Ce que vous touchez ». De l’autre, un homme en costume avec un sac d’argent et la mention « Ce que le prestataire facture ».

  • Conditions de travail dégradées : les auxiliaires de vie employéEs par des prestataires travaillent souvent à temps partiel morcelé, pour un salaire inférieur à celui d’un emploi direct. Iels subissent des plannings éclatés, des tâches imprécises, peu de soutien technique ou psychologique. Pourtant, le tarif PCH versé au prestataire est largement supérieur, mais ce surplus ne va pas au salarié : il alimente la gestion, la direction, voire les bénéfices de l’association gestionnaire ou de l’entreprise. Ce système entretient une précarité invisible : les auxiliaires sont maltraitéEs, les personnes handicapées mal accompagnées, mais les directions prestataires prospèrent.


  • Relations déshumanisées et intermédiaires multiples : l’existence d’un intermédiaire vient complexifier les liens entre la personne aidée et son aidantE. Les échanges passent par l’organisme, ce qui peut diluer la communication et l’adaptation aux besoins réels. On peut alors parler « d’institutionnalisation à domicile » : on fonctionne selon un modèle rigide de planning et de contrat plutôt que de service personnalisé.


  • Remplacements incertains : lorsque l’intervenantE initialE est absentE, le service prestataire doit trouver unE remplaçantE. En pratique, il arrive que les remplaçantEs soit encore moins qualifiéEs ou qu’aucun remplacement satisfaisant ne soit proposé, laissant la personne handicapée sans aide.


Du domicile à l’institutionnalisation

Lorsqu’une personne handicapée a de grands besoins, la MDPH a aussi tendance à l’orienter vers des structures (FAM, MAS, etc.) sous prétexte d’encadrement renforcé. Cette logique d’« institutionnalisation » est vivement critiquée par les militantEs pour la désinstitutionnalisation. On peut y voir un moyen de contourner les réels enjeux. Autrement dit, en renvoyant la personne handicapée vers l’établissement plutôt que de financer davantage d’aides à domicile, l’État continue d’économiser sur le long terme. Dans ce contexte, le domicile est considéré avant tout comme un lieu où la personne handicapée consomme un service (même si c’est un service à domicile), au lieu d’être vécu comme « le premier lieu de vie » que le mouvement antivalidiste revendique pour chaque citoyenNE. En maintenant les personnes handicapées éloignés des mécanismes réels de décision (évaluations, commissions, etc.), on verrouille leur autonomie sous couvert de « neutralité administrative ».


Ignorance et austérité : le prix de la désinformation

En définitive, le maintien dans l’ignorance des différents modes d’emploi conduit à une double injustice. D’une part, l’administration fait des économies budgétaires (austérité actuelle oblige) en limitant les dépenses directes. D’autre part, les personnes handicapées sont dépossédées de leur pouvoir d’agir. Beaucoup découvrent leurs droits trop tard (par exemple lors d’une rupture de contrat ou d’une hospitalisation), restant alors captives d’un système qui ne leur a pas tout expliqué. Ce constat est souvent rapporté par les défenseurs du mouvement antivalidiste, même si aucun rapport officiel ne l’énonce clairement. La personne handicapée doit souvent « se renseigner » elle-même sur son dossier, au risque de passer à côté d’un droit. Cette opacité peut paraître commode pour l’État : en immobilisant les personnes dans le système existant, on évite de financer des heures supplémentaires d’aide individuelle (emploi direct).


Vers l’autonomie et la pairE-aidance

Pour casser ce cercle vicieux, il faut mettre l’accent sur l’autonomie des personnes handicapées et sur le partage d’expérience. Une voie prometteuse est la pairE-aidance : des personnes handicapées expertes de leur situation de vie aident d’autres pairEs grâce à leur vécu. Les pairE-aidantEs apportent soutien émotionnel, conseils pratiques et sentiment d’appartenance que ne peut offrir unE personne non directement concernée.


Illustration de quatre personnes assises autour d’une table, discutant ensemble. Au-dessus d’elles, une autre personne souriante est allongée sur de grandes bulles de dialogue colorées, comme portée par les échanges. Le texte au-dessus de l’image dit : « Pair aidance : on avance mieux avec des gens qui nous comprennent ».

La pairE-aidance illustre une démarche globale d’empowerment : partager le savoir expérientiel, s’outiller collectivement, et co-construire des solutions hors des sentiers battus. À titre d’exemple, j’interviens moi-même comme coach auprès de personnes handicapées pour les aider à revendiquer leur droit à maîtriser leur propre vie. Mon accompagnement consiste à expliciter toutes les options légales, à vérifier que leurs MDPH tiennent compte de leurs choix, et à chercher activement des solutions alternatives à l’institution. L’idée est de faire exister le pouvoir d’agir au quotidien: aider chacunE à devenir véritable acteurice de sa propre vie. Par ce travail de fond – co-rédaction de dossiers, simulations de budgets, recherche de personnel – je vise à concrétiser les valeurs de justice et de liberté d’action.


Il ne s’agit pas seulement de réclamer des droits sur le papier, mais de les exercer pleinement. En promouvant l’emploi direct, le mandataire de confiance et la pairE-aidance, on peut véritablement sortir du modèle imposé. C’est ce combat citoyen, pour un handicap décentralisé et émancipateur, que je mène dans mon quotidien de coach. N’hésitez pas à me contacter.

 
 
 

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