Pourquoi parler “d’inclusion” des personnes handicapées ne suffit (vraiment) plus
- Laetitia Rebord
- 13 mai
- 3 min de lecture
Et quelles alternatives pour une véritable justice sociale

L’inclusion : un mot qui semble généreux, bienveillant, juste. Et pourtant, lorsqu’on parle de handicap, de sexualité, de santé, de genre ou de violences, ce mot peut masquer – voire reproduire – des logiques d’exclusion et de pouvoir.
Alors, pourquoi le terme “inclusion” est-il problématique ? Et que peut-on dire à la place, pour vraiment penser justice, accessibilité, hybridité ?
L’inclusion : un mot qui part du mauvais endroit
Quand on dit “inclure”, on suppose qu’il y a :
Un centre – le groupe dominant, “normal”, souvent valide, blanc, cisgenre, hétérosexuel, neurotypique, etc.
Et des marges – les personnes handicapées, racisées, queer, précaires… qu’on autoriserait à rejoindre ce centre, à condition qu’elles ne dérangent pas trop.
L’inclusion devient alors une forme d’hospitalité conditionnelle.
On invite à entrer, mais sans remettre en question les règles, les normes, le cadre de base. Les dominants gardent le contrôle du curseur.
Ce que le terme inclusion évite de dire
Utiliser “inclusion” permet (volontairement ou non) de neutraliser le politique.
On ne parle plus de :
Validisme : cette oppression systémique qui hiérarchise les corps, les capacités, les manières d’exister, qui considère que certaines fonctions (marcher, parler, voir, entendre...) ont plus de “valeur” que d’autres
Discriminations systémiques : en santé, à l’école, dans la vie affective, sexuelle, professionnelle…
Dire “on va vous inclure”, c’est souvent refuser de regarder pourquoi et comment certaines personnes ont été exclues dès le départ.
En santé, sexualité, violences : l’inclusion ne suffit pas
Dans mon travail de formation et d’accompagnement, je constate chaque jour à quel point le mot inclusion est insuffisant, voire dangereux.
En santé sexuelle, les personnes handicapées sont invisibilisées, infantilisées, niées. On parle rarement de leur désir, encore moins de leur plaisir.
Dans la prévention des violences, le validisme est un angle mort majeur, alors même que les personnes handicapées sont plus exposées aux violences sexistes, sexuelles, médicales, psychologiques et institutionnelles.
Trop souvent, “l’inclusion” se limite à adapter un peu… sans transformer les pratiques, les savoirs, ou les normes.
Ce qu’il faut, ce n’est pas “ajouter les personnes handicapées à l’existant”, mais refonder le système avec leurs réalités, leurs vécus, leurs savoirs au cœur.
Et si on parlait aussi d’hybridité ?
Parmi les alternatives au mot “inclusif”, une piste intéressante — et encore peu mobilisée — est celle de l’hybride.
Contrairement à "inclusion", qui suppose un cadre déjà établi dans lequel on "fait une place", l’hybridité propose autre chose :
penser les espaces, les pratiques, les sexualités, comme le fruit de cohabitations, de tensions, de mélanges entre des réalités différentes.
C’est une approche qui :
refuse le modèle dominant comme point de départ ;
reconnaît la richesse des marges et des vécus minorisés ;
valorise des formes mouvantes, complexes, non binaires.
Dans le champ de la santé, de la sexualité ou du handicap, parler de sexualité hybride plutôt qu’inclusive permet de :
sortir d’un langage “bienveillant mais creux”,
et entrer dans une logique politique et structurelle de transformation des normes.
Ce n’est plus "ouvrir la porte à celleux qui dérangent", c’est construire d’autres formes de relation, d’intimité, de care, à partir de réalités plurielles.
L’hybridité n’est pas une simple alternative lexicale.
C’est une invitation à repenser qui fabrique et contrôle les espaces, les normes, les savoirs — et comment les reconstruire ensemble, au-delà de toute hiérarchie.
Et maintenant ? Des ressources et des outils pour aller plus loin
Formations & conférences que je propose (intervention en présentiel ou en ligne) :
Validisme en santé et sexualité : comprendre, déconstruire, agir
Sexualités et handicaps : casser les normes, sortir de l’infantilisation
Validisme et genre dans la dynamique des violences : croiser les luttes pour des réponses efficaces
(Des ateliers sur mesure sont possibles, me contacter pour plus d’informations.)
Ressources recommandées :
De chair et de fer - Charlotte Puiseux
La théorie féministe au défi du handicap - Éditions Cambourakis
Podcasts : Désir À Valider, Conpassion
Comptes Instagram : @lesdevalideuses / @_callirhoe / @lavieacroquer / @conpassion / @clav_collectif
Dire “inclusion”, c’est souvent vouloir bien faire… sans déranger l’ordre établi.
Mais quand on parle de handicap, de santé, de sexualité, ou de violences :
Ce n’est pas d’une “place” qu’il faut, mais d’un changement de structure.
Parlons validisme, pensons accessibilité, militons pour une société réellement vivable pour toustes.
Bonjour,
très intéressant, depuis quelque temps je me faisais aussi la réflexion que je n'aimais pas ce mot "inclusion", et que si on modifiait , adaptait de base tout, il serait obsolète. En plus le bénéfice serait aussi pour les personnes qui n'auraient jamais oser exprimer leurs difficultés, cela gommerait enfin le mot "normalité" car la singularité ne deviendrait plus un problème. Enfin des environnements sereins, apaisés, équitable pour tous, et la tolérence en toile de fond. je suis une personne concernée par le trouble psychique, maman d'une jeune fille avec un TSA, et d'un jeune homme-trans en exploration avec un TDAH et trouble anxieux déscolarisé. Je fait le métier d'infirmière en psychiatrie, je travaille auprès de personnes vivant av…