Le validisme médical : une lecture handi-féministe
- Laetitia Rebord
- 7 avr.
- 3 min de lecture

Le champ médical, souvent présenté comme neutre, bienveillant et scientifique, est lui aussi traversé par des rapports de pouvoir et des discriminations systémiques. Parmi elles, le validisme reste peu questionné, alors même qu’il impacte directement la qualité des soins, l’accès à la santé et la dignité des personnes en situation de handicap. Lorsqu’on y ajoute une analyse féministe, on met en lumière des oppressions croisées, à la fois validistes, sexistes, racistes et queerphobes.
Invisibilisation des handicaps invisibles
Les handicaps invisibles (douleurs chroniques, troubles psychiques, neuroatypies, maladies invalidantes, etc.) sont souvent niés ou minimisés par les professionnelLEs de santé. Leurs patientEs sont perçuEs comme peu fiables, hystériques ou exagérant leurs symptômes. Les femmes et minorités de genre en particulier voient leur parole mise en doute, leurs douleurs psychiatrisées, et leur accès aux soins compromis.
Paternalisme et infantilisation
Le système de santé repose encore sur une logique hiérarchique où le/la médecin détient le savoir et le pouvoir, face à unE patientE réduitE au silence. Ce paternalisme médical est d’autant plus marqué envers les personnes handicapées, perçues comme incapables de comprendre, de consentir ou de choisir. On décide à leur place, on leur impose des prises en charge, on ignore leurs refus ou leurs désirs.
Normativité et correction des corps
Le validisme médical vise souvent à "corriger" le handicap plutôt qu’à l’accompagner. L’objectif est de rapprocher la personne handicapée de la norme valide, quitte à nier ses besoins ou son identité. On valorise la performance, l’effort, la rééducation, au détriment de la reconnaissance de la diversité des corps et des fonctionnements.
Eugénisme contemporain
Certaines pratiques médicales relèvent encore de logiques eugénistes : stérilisations forcées, contraception imposée sans réel consentement éclairé, interruptions médicales de grossesse "suggérées", refus de soins lourds pour les personnes considérées "trop handicapées", etc. Le message est clair : certains corps sont jugés indésirables, non viables ou incompatibles avec une vie digne.
Contrôle des corps
Les corps handicapés, en particulier ceux des femmes, personnes trans ou racisées, sont soumis à un contrôle permanent. Leur sexualité est niée ou jugée dangereuse, leur parentalité remise en question, leur capacité à prendre des décisions souvent refusée. Le champ de la santé devient alors un lieu de contrainte, de dépossession et de violence symbolique.
Remise en question de la parole
Les personnes en situation de handicap sont rarement crues. Leur parole est toujours suspecte, surtout si elle va à l’encontre des attentes médicales. Les femmes et minorités de genre handicapées cumulent les suspicions : trop émotives, trop faibles, trop exigeantes, pas rationnelles. Le savoir expérientiel est ignoré, au profit d’une science qui se prétend objective mais reste ancrée dans des normes patriarcales et validistes.
Une réponse handi-féministe
L’approche handi-féministe dénonce ce système de santé qui violente, normalise et marginalise. Elle propose de redonner le pouvoir aux personnes concernées, d’écouter leur parole, de déconstruire les normes validistes et sexistes, et de construire un accès à la santé véritablement solidaire.
Le handicap n’est pas le problème. Ce sont les violences systémiques, le validisme, le sexisme et le paternalisme médical qui le rendent insupportable.
Rejoindre la lutte
Pour aller plus loin, s’informer, militer, apprendre à déconstruire le validisme au quotidien, je vous encourage à adhérer au collectif Les Dévalideuses.
Pourquoi ? Parce que ce collectif militant handi-féministe travaille sans relâche à visibiliser les violences au croisement des oppressions validistes et sexistes, notamment dans le champ médical, à travers des campagnes, des actions de terrain et des publications claires, accessibles, traduites, souvent pionnières en France.
Le site propose également une bibliothèque de ressources internationales traduites, des analyses percutantes et des outils concrets pour sensibiliser, défendre nos droits et transformer les pratiques.
S’organiser collectivement, c’est exister politiquement. Et dans un système de santé qui nous maltraite, nous faire entendre est une urgence.
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