Accès aux soins gynécologiques pour les personnes handicapées : entre abandon, violences et résistances
- Laetitia Rebord
- 2 mai
- 4 min de lecture

À l’occasion de la Journée internationale des sages-femmes, notre collectif féministe souhaite rappeler une réalité encore trop ignorée : l’accès aux soins gynécologiques reste un combat pour de nombreuses femmes et minorités de genre en situation de handicap. Et dans ce combat, les sages-femmes jouent un rôle essentiel.
Des chiffres accablants sur l'accès aux soins
Le rapport Handifemmes (APF France Handicap, 2019) est sans appel :
1 femme handicapée sur 2 déclare renoncer à un suivi gynécologique régulier.
1 sur 3 affirme avoir subi des violences médicales lors d’un examen gynécologique.
De nombreuses personnes témoignent d’un refus pur et simple de prise en charge par des professionnel·les de santé, faute de formation, de temps, ou d’accessibilité.
Ces chiffres sont choquants, et ils ne concernent pas une minorité marginale : en France, près de 20 % des femmes et minorités de genre sont en situation de handicap (tous types confondus).
Le validisme médical, un système oppressif et violent
Le validisme médical repose sur une idée insidieuse : les personnes handicapées ne seraient pas des patient·es “comme les autres”. Il se manifeste de multiples manières :
Cabinets inaccessibles (escaliers, marches, tables d’examen non réglables, absence d’équipements et d’informations adaptés, etc.).
Refus de soins déguisés en "ce n’est pas adapté ici".
Déni de sexualité : on considère que les personnes handicapées n’ont pas besoin de contraception, de dépistage IST, ou d’information sur leur corps.
Violences médicales : gestes non expliqués, consentement non demandé, attitudes paternalistes.
Ce validisme est encore renforcé quand il s'entrecroise avec d'autres formes de domination : sexisme, transphobie, racisme, putophobie, classisme…
Zoom critique : le dispositif Handigynéco
Le dispositif Handigynéco, mis en place dans plusieurs territoires, se veut une réponse à ces inégalités. Il vise à former les professionnel·les de santé à mieux accueillir les femmes en situation de handicap. Mais ce dispositif n’échappe pas à certaines critiques majeures :
1. Formateurices non concernéEs par le handicap
Problème de légitimité perçue : Le fait que les formateurices ne soient pas elleux-mêmes en situation de handicap peut être mal perçu, notamment en termes de représentation. Cela donne l'impression que les personnes concernées ne sont pas impliquées dans la conception ou la transmission du savoir.
Risque de méconnaissance des réalités vécues : Même avec de la bonne volonté, unE formateurice non concernéE peut manquer de compréhension fine des enjeux vécus par les personnes handicapées, en particulier sur des sujets intimes comme la santé gynécologique.
2. Public très ciblé : établissements médico-sociaux (ESSMS)
Exclusion des personnes vivant à domicile : En se concentrant sur les ESSMS, le dispositif peut laisser de côté un grand nombre de femmes et minorités de genre en situation de handicap vivant en autonomie, qui rencontrent pourtant elles aussi des difficultés d'accès aux soins.
Vision institutionnelle du handicap : Cela renforce une approche médicalisée et institutionnelle du handicap, au détriment d’une approche inclusive et communautaire.
3. Dimension pédagogique descendante
Manque de co-construction : Si les patientEs ne sont pas impliquéEs dans la création des contenus, cela peut donner lieu à un discours unilatéral, potentiellement paternaliste.
Absence d’empowerment : Le dispositif apparaît comme s’adressant aux professionnelLEs à la place des personnes concernées, plutôt que de leur donner à elles aussi les moyens de revendiquer leurs droits et d’agir pour leur santé.
4. Risque de stigmatisation
Surciblage : Le fait de créer un dispositif spécifique peut paradoxalement renforcer l’idée que les femmes ou minorités de genre handicapées sont “différentes” ou nécessitent un traitement à part, plutôt qu’un accueil adapté dans les structures de droit commun.
Pourquoi tant se tournent vers les sages-femmes ?
Face à ce système médical violent, de nombreuses personnes choisissent de ne plus consulter de gynécologues du tout. À la place, elles se tournent vers les sages-femmes. Pourquoi ?
Iels sont souvent plus accessibles (tarifs, lieux d’exercice, consultations à domicile).
Iels sont plus disponibles, prennent le temps d’écouter et de respecter le consentement.
Iels sont forméEs à la santé sexuelle, à l’accompagnement global, aux violences.
CertainEs exercent dans des cadres communautaires ou pluridisciplinaires, plus ouverts.
Les sages-femmes sont aujourd’hui en première ligne pour proposer une autre manière de soigner : plus humaine, plus respectueuse, plus inclusive.
Gyn&Co : une boussole pour trouver des soignantEs féministes
Il s’agit d’un collectif de militantEs féministes. FatiguéEs d’avoir à subir les violences de soignant·es sexistes, lesbophobes, transphobes, racistes, putophobes ou validistes, iels ont créé Gyn&Co.
C’est quoi Gyn&Co ?
Une carte collaborative de professionnelLEs (gynécologues, sages-femmes, généralistes) qui ont une approche féministe et inclusive.
Un outil de survie pour des milliers de personnes marginalisées.
Une plateforme militante contre les violences gynécologiques et obstétricales.
Sur le site : https://gynandco.wordpress.com, vous pouvez :
Chercher unE soignantE aux pratiques safe dans votre région.
Recommander unE praticienNE.
Lire et partager des expériences de soin respectueux (ou non).
Exigeons une santé gynécologique véritablement inclusive
Nous ne voulons plus avoir à "choisir" entre notre santé et notre dignité.
Nous exigeons :
Des cabinets accessibles.
Une formation obligatoire sur le handicap, les discriminations et les violences médicales.
Une co-construction des dispositifs avec les personnes concernées.
Un soutien aux sages-femmes, souvent en première ligne malgré un manque criant de reconnaissance institutionnelle.
Aujourd’hui, nous saluons toustes les sages-femmes qui soignent sans discriminer, qui écoutent sans juger, et qui accompagnent avec respect.
Continuons à bâtir ensemble une gynécologie féministe, inclusive, et réellement accessible.
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